
Si la consommation d’alcool recule globalement chez les jeunes Français, les ivresses ponctuelles, elles, se banalisent : 36 % des 17 ans s’enivrent massivement au moins une fois par mois. Par ailleurs, un mineur de 13 ans sur deux a déjà bu de l’alcool. Alors comment prévenir ce phénomène ? Pour Guylaine Benech, formatrice en santé publique et auteure d’un ouvrage sur le sujet*, il est essentiel de parler d’alcool dès le plus jeune âge. « Le cerveau d’un adolescent est en développement jusqu’à 25 ans, rappelle-t-elle. Retarder la première gorgée, c’est le protéger. »
Éduquer dès l’enfance
La spécialiste recommande ainsi d’adapter son discours à la maturité de l’enfant. « Dès 3 ou 4 ans, les enfants observent les comportements des adultes face à l’alcool, constate-t-elle. Ce breuvage est banalisé, et pourtant, il reste dangereux. Il est responsable de 110 morts par jour en France. Il ne faut donc pas hésiter à parler des risques très tôt ».
Au-delà des mots, l’exemple parental est déterminant. « Ne pas boire au volant, proposer des boissons sans alcool en soirée, se lancer dans le Dry January, sont autant d’initiatives que les enfants remarquent et qui portent leurs fruits en grandissant », précise Guylaine Benech.
Dialoguer fréquemment avec son adolescent
Plus que les campagnes de prévention ponctuelles, l’auteure défend une pédagogie continue, faite de petites conversations au quotidien. « Le discours doit être répété pour être efficace, estime-t-elle. Pour faciliter le dialogue, on peut s’intéresser à ce que son ado aime et utiliser un film, une série ou une chanson pour parler d’alcool avec lui. »
Ces échanges sont également bénéfiques pour l’éducation dans sa globalité. « Prévenir contre l’alcool, c’est aussi apprendre à son enfant à dire non, à gérer ses émotions, et établir une relation de confiance avec lui, pointe la consultante. Tout cela constitue des facteurs de protection. »
Livrer des consignes claires
Pour Guylaine Benech, la prévention ne se résume pas à interdire. Mieux vaut fournir au jeune adulte, s’il est en âge de boire, des repères concrets : « Au lieu de lui dire « Ne bois pas trop », conseillez-lui plutôt de se fixer un nombre de verres, c’est moins abstrait. » Elle préconise aussi d’expliquer les ravages de l’alcool sur la santé. Enfin, elle recommande de lui donner des astuces pour qu’il sache réagir en cas de danger : « Le jeune doit savoir quoi faire si, par exemple, un ami fait un coma éthylique, illustre-t-elle. Agir peut sauver des vies. »
Malgré l’engagement du parent à retarder la première gorgée, comment réagir si son adolescent boit ? « On situe à 15 ans l’âge moyen de la première cuite, indique la consultante. Quand cela se produit, certains parents banalisent, d’autres dramatisent. Là encore, le mieux est d’ouvrir un dialogue et l’écouter en laissant l’ado décrire les faits, exprimer ses émotions. » Il est aussi primordial qu’il sache que s’il s’est mis en danger, il peut, quoi qu’il arrive, compter sur ses parents.
Vers une société plus protectrice
Face aux ravages de l’alcool, Guylaine Benech plaide pour la mise en œuvre d’une vraie politique publique. Elle considère notamment qu’il faut interdire les publicités devant les établissements scolaires et aspire à une meilleure formation des professionnels de santé. « La prévention sur l’alcool est l’affaire de tous, conclut-elle. Il s’agit d’un enjeu de santé publique. »
*Sa première cuite, manuel de prévention positive autour de l’alcool, Guylaine Benech, Publishroom, 354 pages, 22 euros
Constance Périn
Il n’est pas toujours facile d’aborder la question de l’alcool avec son enfant. Guylaine Benech, formatrice en santé publique, livre des clés pour entamer une prévention positive, et ce bien avant la première gorgée.