
Appelée aussi ictère, la jaunisse est courante chez les bébés et survient quelques jours après la naissance. « Durant sa vie fœtale, le bébé fabrique beaucoup d’hémoglobine dont une grande partie est détruite à la naissance. La dégradation de ces globules rouges génère l’accumulation de bilirubine, un pigment jaunâtre présent dans l’hémoglobine, qui est ensuite traité par le foie et éliminé en général dans les selles. Mais après la naissance, la petite usine hépatique n’a pas le temps de tout détruire à vitesse réelle et la bilirubine s’accumule dans la peau et les yeux », explique le Dr Sandra Brancato, pédiatre et présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).
L’ictère prend la forme d’une coloration jaunâtre de la peau, des muqueuses et du blanc de l’œil. Chez les nouveau-nés, dont la peau est souvent rouge, la peau adopte plutôt une teinte orangée. Dans les maternités, le taux de bilirubine est détecté dès les premières heures de vie grâce à un appareil doté d’un flash lumineux et, si un doute persiste, une prise de sang peut être faite. Il apparaît au bout de 2 ou 3 jours après la naissance et disparaît généralement au bout de 8 à 10 jours. « Même s’ils sont en parfaite santé, certains bébés gardent un fond légèrement ictérique, avec des yeux un peu jaunes. C’est notamment le cas des bébés nourris au sein, qui ont un ictère au lait de mère qui serait dû à la présence dans le lait de certaines femmes d’une substance inhibant le métabolisme de la bilirubine dans le foie. Ces bébés peuvent parfois rester jaunes pendant un mois », ajoute la pédiatre.
Une pathologie généralement sans gravité
Dans la plupart des cas, l’ictère est bénin. « Il ne nécessite pas de traitement et, contrairement à une idée reçue, il ne faut pas nourrir plus les bébés pour accélérer la maturation du foie ni les exposer davantage à la lumière du jour. Il faut seulement vérifier qu’ils vont bien, qu’ils mangent bien, qu’ils ont des selles bien colorées et des urines bien claires », note le Dr Brancato. « En cas de doute, un examen sanguin est réalisé pour éliminer le risque d’atrésie des voies biliaires, une maladie rare caractérisée, comme son nom l’indique, par une obstruction des voies biliaires. Elle doit être prise en charge très vite car cette précocité conditionne l’intervention chirurgicale qui consiste à permettre à la bile de s’écouler directement du foie vers les intestins : plus elle est faite tôt, à savoir avant un an de vie, meilleur sera le pronostic de l’enfant », ajoute-t-elle.
Une autre forme d’ictère est la jaunisse par incompatibilité sanguine, lorsque le bébé et sa mère n’ont pas le même groupe sanguin ou quand la mère est de rhésus négatif et son bébé de rhésus positif. « Quand cette forme de jaunisse est liée à une incompatibilité de rhésus, une photothérapie à base de lumière bleue intense (qui ne contient pas d’UV) qui facilite l’élimination de la bilirubine est mise en place. Si ce traitement ne fonctionne pas, les médecins peuvent avoir recours à l’exsanguino-transfusion (remplacement du sang par des dérivés sanguins provenant de donneurs compatibles), mais c’est désormais très rare en raison du bon suivi des femmes concernées. Elles se voient généralement injectées pendant la grossesse et juste après un produit qui bloque la production d’anticorps anti-rhésus », souligne le Dr Brancato qui évoque aussi des formes d’ictères plus graves mais heureusement plus rares. « Quand la bilirubine atteint un certain taux, elle peut devenir toxique pour le cerveau et favoriser la survenue d’un ictère nucléaire, une maladie neurologique qui peut laisser de graves séquelles neurologiques (surdité profonde, retard mental…) », prévient la présidente de l’AFPA.
Violaine Chatal




Prenant la forme d’une coloration jaune de la peau, la jaunisse touche deux nouveau-nés sur trois. Comment la reconnaît-on et quels sont les traitements ? Les réponses du Dr Sandra Brancato, pédiatre.