
Qu’est-ce que la toxine botulinique ?
La toxine botulinique est une neurotoxine produite par la bactérie Clostridium botulinum. Celle-ci est à l’origine du botulisme, une maladie infectieuse grave liée à la consommation d’aliments mal conservés. C’est la neurotoxine la plus puissante qui existe. Elle donne des intoxications alimentaires et neurologiques graves, voire gravissimes. Cette toxine bloque la jonction neuro-musculaire au niveau de la plaque motrice. Si cela survient entre le nerf phrénique commandant la respiration et le muscle diaphragme thoraco-abdominal qui permet de respirer, les conséquences sont dramatiques. Ces cas de botulisme alimentaire sont assez rares aujourd’hui car les conditions de conservation des aliments se sont améliorées.
Quand a-t-on découvert que cette toxine botulinique avait des vertus thérapeutiques ?
Le point de départ de l’utilisation thérapeutique de la toxine botulinique est la Seconde Guerre mondiale. Durant le conflit, des recherches ont été menées pour essayer d’utiliser de manière malveillante cette toxine comme arme bio-bactériologique. Ces travaux ont montré que, même si cette toxine était la plus puissante des neurotoxines connues, c’était la plus mauvaise des armes bactériologiques. Par contre, les recherches à visée militaire menées en Angleterre et aux États-Unis ont permis de savoir manipuler la toxine botulinique, de la concentrer, de la purifier et de savoir la conserver. La découverte du mécanisme d’action de la toxine – au niveau de la jonction entre le nerf et le muscle – au cours des années 1950 va donner l’idée à des scientifiques qui travaillent sur des animaux d’injecter cette toxine afin de paralyser certains muscles oculo-moteurs pour soigner le strabisme. Les travaux sur le singe puis chez l’homme, menés par l’ophtalmologiste américain Alan Scott, ont montré que cela fonctionnait plutôt bien. C’est à partir de cette première indication dans les paralysies oculo-motrices, devenue depuis presque obsolète, que d’autres usages thérapeutiques se sont développés.
Quelles sont les autres indications médicales ?
Lorsqu’il y a des mouvements musculaires anormaux, trop nombreux, désordonnés, on peut les calmer en injectant de la toxine botulinique dans le muscle concerné afin de le paralyser. C’est pour cela que la toxine botulinique est beaucoup utilisée dans les mouvements anormaux, la spasticité qui s’installe après un accident vasculaire cérébral, les crampes de l’écrivain, du musicien. L’action de la toxine est transitoire et nécessite de renouveler régulièrement les injections. D’autres indications sont apparues au fil du temps, par exemple en ce qui concerne les excès pathologiques de sudation (hyperhidrose) liés à certaines maladies du système nerveux, les excès de salivation que l’on voit dans de nombreuses maladies neurologiques, la migraine en essayant d’agir sur les terminaisons nerveuses qui entourent le crâne, l’hyperactivité vésicale en faisant des injections à l’intérieur même de la vessie par voie endoscopique. Toutes ces indications thérapeutiques sont, à mes yeux, le vrai intérêt de la toxine botulinique. En Europe, trois toxines botuliniques sont actuellement commercialisées, chacune avec des autorisations de mise sur le marché (AMM) spécifiques. Malheureusement, on parle souvent uniquement de son usage esthétique, non médical, contre les rides. Or, entre des mains non expertes, cela peut entraîner des effets indésirables, parfois graves.
Quelles sont les pistes de recherche dans d’autres utilisations thérapeutiques ?
Il existe de nombreuses pistes d’utilisations de la toxine botulinique dans d’autres indications, par exemple les complications cutanées post-chirurgie de la parotide (syndrome de Frey), le bruxisme (fait de grincer des dents), les douleurs des articulations temporo-mandibulaires en l’injectant dans les muscles qui mobilisent l’articulation. Le problème, c’est que pour obtenir une AMM dans ces indications, le processus nécessite des essais cliniques sur un nombre significatif de patients. Or, dans ces cas très ciblés, les effectifs sont souvent trop faibles pour justifier le lancement de telles études par les laboratoires.
* Une brève histoire de la toxine botulinique, de Laurent Tatu, éditions Georg, 123 pages, 10 euros.
Anne-Sophie Glover-Bondeau




Dans Une brève histoire de la toxine botulinique*, Laurent Tatu, neurologue au CHU de Besançon, retrace l’étonnant parcours de cette substance mortelle issue d’une bactérie, désormais utilisée pour traiter des maladies neurologiques. Il a répondu à nos questions.