Depuis plus de 30 ans, l’endocrinologue Maria-Christina Zennaro, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) au Paris Centre de recherche cardiovasculaire, s’emploie à mieux comprendre les causes d’une forme d’hypertension artérielle dite secondaire. L’objectif : permettre un meilleur diagnostic et, à terme, une meilleure prise en charge des patients.

Interview sur l'hypertension artérielle

France Mutualité. Pouvez-vous expliquer le fondement de vos recherches ?

Maria-Christina Zennaro. En tant qu’endocrinologue, je m’intéresse aux glandes endocrines, dont le rôle est de produire les hormones, et à leurs effets sur le fonctionnement du corps. L’une d’entre elles, l’aldostérone, secrétée par les surrénales (deux glandes situées au-dessus des reins), joue un rôle essentiel dans la régulation de la pression artérielle. En menant des recherches sur les anomalies de production de l’aldostérone, nous visons à expliquer les causes de certaines formes d’hypertension artérielle.

F. M. Car il n’y a pas une, mais des hypertensions.

M-C. Z. Tout à fait. Il y a l’hypertension dite essentielle (ou primaire) qui est la plus répandue. Son origine associe des facteurs génétiques et environnementaux. Les formes secondaires sont quant à elles dues à une pathologie sous-jacente et touchent 5 à 15 % des hypertendus. La forme la plus fréquente, l’hyperaldostéronisme primaire, s’explique par une production excessive d’aldostérone, par l’une ou les deux glandes surrénales. Dans ce cas, l’aldostérone en excès provoque une rétention d’eau et de sel par les reins, responsable de l’hypertension artérielle, une baisse du taux de potassium dans le sang et des lésions prématurées du cœur, des vaisseaux et des reins. Malheureusement, moins de 1 % de ces cas est diagnostiqué. Le dépistage est complexe car il nécessite la prise en compte de multiples paramètres. Je coordonne des recherches pour obtenir un test simple pour déterminer si l’hypertension artérielle est primaire ou secondaire.

F. M. Quels sont les principaux risques pour la santé ?

M-C. Z. On appelle l’hypertension artérielle « la tueuse silencieuse » car elle est responsable de plus de 10 millions de décès par an dans le monde, sans symptôme dans la plupart des cas. Elle est la pathologie chronique la plus fréquente chez l’adulte est le premier facteur de risque cardiovasculaire. Elle touche 17 millions de personnes en France. Les complications de l’hypertension artérielle sont graves sur le plan cérébral (première cause d’AVC et de démence), cardiaque (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, arythmie cardiaque…) et rénale (première cause d’insuffisance rénale terminale et de passage en dialyse avec le diabète). Mais elles sont évitables si le dépistage et la prise en charge sont réalisés à temps, si les patients prennent de façon régulière leur traitement antihypertenseur et suivent une bonne hygiène de vie et, enfin, sont suivis régulièrement par leur médecin traitant tout au long de leur vie. Il s’agit d’un problème de santé publique majeur dont on parle malheureusement trop peu.

F. M. Quels gestes de prévention conseillez-vous ?

M-C. Z. Il est recommandé de faire contrôler sa pression artérielle chez son médecin traitant tous les ans au minimum, au mieux à partir de l’âge de 18 ans, et en particulier en cas d’antécédent chez les parents. La pression artérielle doit être vérifiée tous les 3 à 6 mois si on est hypertendu ou plus régulièrement encore en se la mesurant à domicile de façon appropriée avec un appareil validé. Les formes secondaires sont potentiellement curables par un traitement approprié, si elles sont diagnostiquées de façon précoce.

Constance Périn